Incontro la scrittura di Antoine Volodine con l'apoteosi immaginifica di Terminus Radioso.
Titolo, sinossi e copertina della pregevole edizione italiana di 66thand2nd concorrono a innamorarmi. Questione di un istante.
All'interno, trovano ampio spazio innumerevoli collassi della forma e del contenuto. Incubi rincorrono incubi dentro ad altri incubi.
Vita, sogno e morte smettono il loro senso e ne acquistano altri. La catastrofe diventa una dimensione ulteriore per interpretare il mondo, la politica, l'umorismo scialbo dei fascismi e delle prevaricazioni odierne.
Pura, purissima, incandescente materia letteraria. Da allora, non ho più smesso di leggere tutte le sue pagine.
L'intervista che segue è stata condotta in francese e le risposte sono rimaste in lingua. Un limite necessario per incontrare la vitalità del pensiero del nostro.
A breve sarà disponibile Sogni di Mevlidò, per i tipi di 66thand2nd. E precedentemente sono state pubblicate sue opere anche con Edizioni Clichy e L'orma.
Non fate l'errore di mancare l'appuntamento.
Negli ultimi anni autori quali Krasznahorkai con il suo Satantango e Jeff VanderMeer con Annihilation sono stati portati sul grande schermo. Sarebbe interessato a un simile trattamento e, in caso, chi le piacerebbe trasformasse le materie e i testi post-esotici in film? Ha poi avuto modo di vedere la versione di Satantango di Béla Tarr: in caso positivo, cosa ne pensa?
J’ai vu plusieurs fois Satantango de Béla Tarr, c’est pour moi un chef-d’oeuvre du cinéma. Pourquoi? Pour la beauté spectaculaire des images en noir et blanc, pour la fragmentation géniale de la narration, pour l’art d’attacher le spectateur à une histoire pendant sept heures. Et pour des saquences qui restent en mémoire et qui resteront en mémoire jusqu’à la mort (je ne les énumère pas, elles sont nombreuses). Nous essayons de parvenir aux mêmes effets avec nos petites proses post-exotiques : conduire lecteurs et lectrices à plonger dans les images, faire en sorte qu’elles se gravent pour longtemps dans les mémoires.
Dovesse considerare tutto il resto dell’area culturale al di là dei libri, in special modo di narrativa - e dunque cinema, fumetti, saggistica e divulgazione, pittura, arti visive varie e performative, teatro, persino sport o ricerca scientifica, etc -, quali sono gli “oggetti” che più l’hanno colpita negli ultimi anni, e quali gli esseri umani che sente a Lei più vicini?
Nous sommes attachés à la littérature, contemporaine et classique, mais nous avons une culture d’images et notre relation au monde est essentiellement marquée par le cinéma, la peinture et la musique. Lorsque nous retrouvons ces arts essentiels dans les proses littéraires, nous sommes heureux. Nous essayons de transmettre le bonheur de l’image aux lecteurs et aux lectrices sympathisants plus que de transmettre le bonheur de l’histoire. Tout ce qui appartient à la culture artistique ou historique non littéraire nous appartient.
Tra tutti gli autori post-esotici – Lutz Bassmann, Manuela Draeger, Elli Kronauer, Antoine Volodine, etc – chi è il più crudele, bugiardo, infingardo, quello di cui il movimento potrebbe temere il tradimento? Poi: è, A. Volodine, l’avatar dei post-esotici?
La question est mal posée, sans doute. Nous sommes ensemble, nous chantons ensemble. Les voix du post-exotisme sont assumées par plusieurs hétéronymes publiés, qui ont évidemment leur personnalité et leurs qualités propres, plus ou moins cruelles, violentes, plus ou moins rêveuses, plus ou moins sectaires sur le plan politique. Mais nous formons un groupe solidaire et soudé. Nous sommes à jamais unis dans une même idéologie radicale, égalitariste. Le reste est une question de nuances individuelles.
In quali aree del pianeta, secondo lei, si corre oggi, o domani, il rischio di ritrovare le condizioni del mondo di Terminus Radioso? E dove vede muoversi imperialisti e fascisti che, come in Terminus Radioso, sono diventati cinocefali, altrettanto feroci e aggressivi? Quali altre visioni di un’umanità post-apocalisse la colpiscono o l’hanno colpita in passato (in qualsiasi media, arte e forma)?
Le monde de Terminus Radioso est un monde de défaite totale non seulement de l’humanisme, mais de l’humanité en tant qu’espèce. Ce roman est une autre manière de décliner les fantasmes qui parcourent Angeli minori , et qu’on retrouve aussi dans Gli animali che amiamo : l’extinction de l’humanité, la planète vide, les personnages qui errent dans une nature redevenue sauvage et sans les prédateurs humains. Terminus radioso est une scène de théâtre où s’agitent un petit nombre de personnages survivants qui ne se posent pas le problème de la survie, dans la mesure où ils ne sont ni morts ni vivants. Je place le projecteur sur cette scène très étroite (même si, au-delà, on devine l’immensité de la steppe et de la taïga) et je ne cherche pas à décrire l’apocalypse qui a précédé. Pour les personnages, tous les personnages, c’est le présent qui importe, même s’ils sont obsédés par les échecs du passé. On est très loin des films-catastrophe ou des représentations moyen âgeuses de l’apocalypse ou du Jugement dernier. Beaucoup plus proches sont des oeuvres comme The road de Cormac McCarthy : l’apocalypse n’est pas le sujet de la narration, ce qui importe avant tout est la relation entre le père et son fils sur un décor de cauchemar.
Quali sogni le piacerebbe i suoi libri (e quelli degli altri scrittori post-esotici) inducessero nei lettori, una volta terminati? Qual è invece un suo sogno ricorrente e quanto del suo vissuto onirico finisce tra le pagine degli autori post-esotici? E oggi chi è che invade i nostri sogni collettivi, chi è il nostro Soloviei?
Difficile de définir quelles images nous souhaitons laisser dans l’inconscient du lecteur ou de la lectrice. Notre vieil objectif est d’entraîner lecteur et lectrices dans une plongée où nous les accompagnons de manière camarade, afin qu’ils soient, le temps de leur lecture, en contact quasi physique avec nos personnages et, indirectement, avec nous. En contact quasi physique et quasi onirique. Si l’on prend pour exemple les héros qui s’agitent sur la scène de Terminus radioso, nous serions heureux de savoir que tel ou tel lecteur, telle ou telle lectrice ont accompagné jusqu’à leur rêve profond des personnages tourmentés comme Kronauer, ou des personnages sorciers comme Solovieï, ou des personnages magiques comme les filles de Solovieï, comme Samiya Schmidt, Hannko Vogoulian, Myriam Oumarik. Que signifie “accompagner” ? Je crois qu’il s’agit de quelque chose d’aussi fort que de la projection inconsciente qu’on peut avoir sur un personnage de film, une identification assez puissante pour qu’elle devienne amoureuse, douloureuse, irrationnelle. J’ai déjà rencontré des lectrices qui me faisaient part de leur grande sympathie pour Solovieï, par exemple, ou pour la Mémé Oudgoul. Ces confidences me causent un grand plaisir, elles indiquent que le roman a “fonctionné” d’une manière parfaite. Ce qui est certain, c’est que je n’ai jamais cherché à imposer un chemin menant en priorité à un personnage plutôt qu’à un autre. Chacun de nous réagit à sa manière aux mouvements de sympathie ou d’antipathie qui naissent en lui, ou en elle, face aux caractère physique et psychique de Solovieï. Nous avons tous en nous une part de Solovieï (qui veut administrer la réalité selon son bon plaisir) et une part de Kronauer ou de Aldolaï Schulhoff (qui traversent le monde en le subissant).
Ritorna spesso nella sua letteratura l’esperienza, e la visione, del Bardo Thödol. Ci sono altri testi sacri (o considerati tali) i cui insegnamenti la colpiscono, hanno un’influenza, in qualche modo hanno cambiato la sua idea di letteratura, al di là di ogni misticismo o religiosità? Ha per caso avuto modo di leggere Lincoln nel Bardo, di George Saunders e/o Jerusalem di Alan Moore? In caso affermativo, cosa pensa dell’autore, del libro e del cammino che i suoi personaggi compiono in quel Bardo e quei momenti post-mortem?
J’avoue ignorer les livres dont vous me parlez. Le Bardo Thödol a été un livre de référence dans la prison qui constitue le coeur du post-exotisme. Nous ne partageons pas les croyances qui sont remuées dans ce livre, ce qui ne nous empêche pas de le trouver magnifique. Peut-être nous référons-nous à une édition particulière, à une traduction éditée en anglais par le Dr. Evans-Wentz en 1933, si je ne me trompe. Il existe plusieurs traductions, plusieurs versions, plusieurs textes tibétains de base. C’est pourquoi, parfois, notre référence n’est pas comprise. L’édition qui nous est chère, celle qui a circulé dans la prison où sont emprisonnés les dizaines d’auteurs post-exotiques hommes et femmes, a été publiée en français par la librairie Maisonneuve. Elle est suivie d’un commentaire de Gustav Jung. Nous nous sommes plongés avec délice dans ce livre qui mêle texte original, notes savantes sur le texte original, notes sur la traduction, commentaires et sur-commentaires, prières, dans une sorte de chaos littéraire fascinant et indémêlable. Outre la description de la marche dans le Bardo d’après le décès, il y a des instructions pour le bonze qui va réciter le Bardo Thödol à l’oreille du mort, et, rapidement, on ne sait plus qui parle, qui parle à qui, qui réfléchit à haute voix, qui donne des témoignages ou des conseils. C’est cela qui nous a passionné et que nous avons souvent repris dans nos livres, ces glissements narratifs de l’imaginaire aux considérations pratiques ou savantes. Notre référence au Bardo Thödol n’a rien de mystique, elle est uniquement poétique, architecturale pour ce qui concerne les chiffres magiques (les sept semaines, les quarante-neuf jours), littéraire pour ce qui concerne les formidables possibilités narratives qui s’ouvrent lorsqu’on prend pour départ la mort-vie d’après le décès du narrateur ou de la narratrice.
Mi pare che il post-esotico contenga in sé moltissima ironia o un impianto ludico, anche all’interno del disastro e della sconfitta; è un’impressione falsata, la mia? In caso positivo, da dove e cosa deriva questo aspetto? E quali sono invece gli aspetti seriosissimi che la caratterizzano? [si pensi anche alla definizione stessa di post-esotico e alla sua nascita]
Nous parlons souvent de “l’humour du désastre”. Notre pessimisme s’alimente d’une rumination sur la défaite (la nôtre, personnelle, militaire et politique, celle du projet révolutionnaire égalitariste, de la révolution, et, plus généralement, sur la défaite de tous les humanismes au XXème siècle) et d’une auto-dérision de victime, avec les mêmes ressorts que ceux de l’humour juif. L’humour du désastre est marqué par une grande lucidité sur la vaine prétention humaine à dominer le destin, sur la vaine prétention politique à s’opposer aux forces impériales, aux responsables du malheur, à la cruauté instinctive qui gouverne chaque représentant de l’espèce humaine, à la pulsion suicidaire qui mène l’humanité vers son extinction. L’humour du désastre s’accompagne d’une conception infériorisée du statut de celui qui parle (la victime, le prisonnier, le narrateur, le personnage principalement lorsqu’il est mâle) : d’où la tentation de dire de soi qu’on est un “Untermensch”, un sous-homme. À partir de là, tous les jeux de mots, les jeux de phrases, les jeux de situation sont possibles.
Plus généralement, nous ne nions pas la dimension ludique de notre projet, qui est de poser dans le paysage littéraire (aujourd’hui en naufrage) un objet d’art en prose alien, constitué de quarante-neuf titres. Nous avons conscience de la précarité de notre existence littéraire, nous savons que vouloir donner témoignage de notre existence littéraire et politique en dehors des murs est une entreprise bizarre. Et nous nous amusons avec cela. Nous nous moquons de nous-mêmes, ce qui est aussi une manière de nous attaquer aux vilaines citadelles culturelles fières d’exister dans leur vide et très sérieuses.
Nel contemporaneo quali sono le forme di prigionia, le galere, le carceri che a lei risultano più odiose? Vede qualche possibilità di uscire dal carcere del reale e del contemporaneo? Oltre la letteratura, come possiamo combattere la realtà?
Ce n’est pas à moi, ce n’est pas à nous de dire comment combattre. Nous témoignons d’un combat qui a échoué, contre tous les pouvoirs, contre tous les régimes et contre tous les puissants. Loin de nous aujourd’hui l’idée de présenter des recettes pour les luttes à venir. Nous les espérons, mais, au fond, nous savons à l’avance que nous allons collectivement droit dans le mur. Ne pas attendre de nous des leçons, en ce sens le post-exotisme n’a rien à voir avec la “littérature engagée” d’après la Deuxième guerre mondiale. Le slogan qui avait été collé de manière militante sur les murs pour la parution de Avec les moines-soldats de Lutz Bassmann était “Seuls ceux que j’aime, écoutez ! “. Quelques centaines d’affiches qui le reproduisaient avaient été collées à Paris et en province. On est loin des invitations directes à l’action (que nous aimerions bien formuler, de temps en temps, mais que nous nous empêchons de faire, par respect pour ceux et celles qui pourraient avoir envie de les suivre).
Sembra che in parte i suoi libri risentano di molti degli orrori della storia umana, in particolare del ventesimo secolo. Ad oggi, quale considera la sconfitta maggiore, sconfitta storica, politica, culturale, della specie umana? Nel post-esotismo sembra che ci si voglia quasi sbarazzare del nostro retaggio culturale, soprattutto di quello occidentale; crede sia possibile e in che maniera potremmo cercare di andare oltre quest’eredità nella vita quotidiana, in questo secolo e persino nel linguaggio?
Les guerres et les exterminations incessantes ont caractérisé le XXème siècle et dans l’horreur du XXème siècle, il est vraiment difficile de désigner ce qui a été pire. La Shoah est l’abomination insurpassable et l’Occident a beau faire, il porte ce poids dans son présent et pas seulement dans sa mémoire. Nous avons cette abomination devant nous dès que des personnages du post-exotisme apparaissent, elle se mélange avec une deuxième horreur, la transformation du rêve communiste en un cauchemar stalinien. Autour de ce cercle d’enfer d’autres cercles ondulent et se superposent. Tous véhiculent la barbarie. Nos personnages traversent l’histoire comme un Bardo infernal où règnent violence, injustice et stupidité. Ils évoluent dans les flammes, dans la peur des exterminations, dans l’horreur de l’incarcération ou dans le grand silence qui succède sur terre aux batailles perdues. C’est de là que partent nos histoires et c’est cela qui vibre dans nos voix dès que nous prenons la parole.
La vertigine della lista o del catalogo (penso per esempio a Terminus Radioso e ai suoi elenchi di piante o alcuni momenti di Il post-esotismo in dieci lezioni, lezione undicesima), da quali necessità o ragioni muove? L’organizzazione, la catalogazione e la classificazione non dovrebbero poi essere strumenti adoperati dall’apparato burocratico e repressivo? Se la risposta è affermativa, in quale maniera gli scrittori post-esotici affrontano questa apparente contraddizione?
Il ne s’agit ni de cataloguer, ni d’organiser. Les listes sont au contraire des moments de compassion et de fraternité. Dans Il post-esotismo in dieci lezioni, lezione undicesima l’énumération des dissidents décédés est un hommage à leur mémoire. On trouve dans un livre de Manuela Draeger de longues listes d’herbes, beaucoup plus longues que celles qui figurent dans Terminus Radioso. Or il y a là une volonté explicite d’en finir avec “l’anonymat des herbes”, un geste subversif consistant à nommer les herbes que les pouvoirs (les ruminants, les paysans, les nomades) méprisent en leur attribuant seulement un nom générique. Celles qui établissent les listes d’herbes souhaitent rendre leur dignité aux herbes, souhaitent ne plus les considérer simplement comme un tapis qu’on écrase ou qu’on fauche pour nourrir le bétail. Dans un livre de Lutz Bassmann, Les aigles puent, on tombe ici et là sur des listes de disparus, d’hommes et de femmes brûlés. Le but est le même, rendre hommage à ceux et celles qui sont morts, ne pas les laisser confondus en une seule masse de cendres, dire affectueusement leurs noms, les faire revivre dans la mémoire collective.
Sempre in tema di liste e classificazioni: come dobbiamo considerare sotto quest’ottica gli scienziati o figure pionieristiche quali Ernst Haeckel e i suoi libri? Poi: tra l’internet tutto, Borges o D. Foster Wallace, e persino l’italiano Umberto Eco (autore de Il nome della rosa) sembrano ritornare spesso simili interessi intellettuali per l’elenco e la lista: secondo lei quale sono le cause e le ragioni ultime?
Je ne sais pas. Je ne sais pas répondre à votre question.
Anche l’invenzione del nome e dei nomi dei suoi personaggi nasce da simili pensieri? O è proprio il contrario, cioè il bisogno di scappare da una simile stretta nominativa? Qualora così fosse, quale potrebbe essere il mezzo migliore per sfuggire del tutto da un simile rischio? Ma è poi davvero possibile?
Notre approche des noms et des nominations correspond avant tout à une volonté affirmée d’internationalisme : nos choix essaient de combattre les attaches nationales, les affectations automatiques à un peuple qui revendique un drapeau, des frontières et une culture fermée. Nous mélangeons de notre mieux les racines des noms que nous créons, afin de nous écarter des références culturelles forcément hermétiques, afin de nous éloigner de la barbarie des drapeaux. Toutefois il nous arrive de reprendre des noms qui expriment notre compassion envers les victimes: nous procédons alors comme expliqué plus haut pour l’invention des herbes : reprendre le nom d’une victime oubliée de la Shoah ou des camps staliniens (en allant chercher dans les listes de Memorial, par exemple), c’est donner une humble miette d’affection à un fantôme, c’est partager avec lui un silence camarade face à l’atroce, face au destin.
La copertina italiana di Terminus Radioso è di Brecht Evens, con colori e composizione che personalmente trovo meravigliosi: lei che ne pensa? C’è qualche altra copertina delle edizioni italiane o estere che ama in particolare, e perché?
J’ai la chance de pouvoir échanger avec 66th&2nd sur les couvertures et les inventions graphiques qui figurent à l’intérieur des éditions italiennes. 66th&2nd fait aussi là-dessus un travail magnifique. Beauté, élégance. C’est aussi une dimension du post-exotisme, la recherche de la beauté. Qu’elle se concrétise dans des couvertures de livres est un bonheur.
Come lavora di solito ai suoi libri, ha rituali specifici prima di mettersi al lavoro, un metodo che ripete, fasi di scrittura e riscrittura ben delineate o le cose cambiano di libro in libro, di giorno in giorno?
Mes rythmes d’écriture ont changé au fil des années, mais en général je reste attaché à un travail régulier, quotidien, qui pendant longtemps m’est apparu comme un exercice comparable aux katas des arts martiaux : une répétition obstinée, sans but autre que le perfectionnement du geste. Il y a très longtemps, j’ai déclaré que “je pratiquais la littérature comme un art martial : comme un dernier combat parfait avant la mort”. Cette définition à la fois romantique et samouraï de l’écriture a été dépassée aujourd’hui, mais l’image est chère à mon coeur. Ce qui compte toujours est de reprendre plusieurs fois, dix fois, vingt fois, le travail sur le texte, afin d’aboutir à une forme satisfaisante. C’est là qu’interviennent des contraintes chiffrées, très artificielles et très secondaires, comme de parvenir à un nombre précis de caractères. C’est une manière de peaufiner lentement et avec affection un texte déjà presque abouti. C’est aussi une manière de repousser le moment où il faudra s’en séparer.
Gli anni di insegnamento e traduzione hanno in qualche misura plasmato la scrittura post-esotica? E la Comparative Biography of Jorian Murgrave e/o le esperienze durante il ’68?
L’activité de traducteur est un élément important pour l’écriture post-exotique, cela est certain. Dans une des définitions du post-exotisme on dit qu’il s’agit “d’une littérature étrangère écrite en français”. Il ne serait pas faux de le définir à présent, pour les livres parus en Italie, comme “une littérature étrangère écrite en italien”. Notre langue est autant que possible une “langue de traduction” et s’écarte le plus possible d’une tradition linguistique porteuse d’une culture autre que notre culture post-exotique. La langue de traduction s’efforce de ne pas se situer dans l’héritage culturel national. Notre héritage est politique, révolutionnaire et cosmopolite, plus large que ce que véhicule une seule langue culturellement marquée. C’est une langue volontiers internationaliste, si on résume, comme l’est l’idéologie de base de nos auteurs hommes et femmes. Ce qui ne l’empêche pas de jouer avec toutes les possibilités qu’offrent les styles poétique, neutre, classique ou baroque.
©Daniele Ferriero